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Chapitre 12 suite (deuxième partie)

Publication : par M. Lauga

XII Suite du récit de Thierry Viard, vingt-huit ans, chômeur

Deux minutes se sont écoulées et la porte à bascule du garage s’est ouverte. Ils s’y sont tous engouffrés.
La porte s’est refermée. Il n’y avait plus rien à voir. J’avais regardé, fasciné, sans rien faire. J’aurais dû intervenir depuis longtemps, bien sûr. Seulement il se trouve que je ne suis pas Zorro, moi. Et puis je ne suis pas payé cent francs par mois pour me faire trouer le ventre. Ces gars- là ont des couteaux, c’est connu.
Mon boulot, c’est de prévenir Faivre si quelque chose n’est pas « en ordre  ». C’est tout. Alors j’ai couru jusque chez moi et je l’ai appelé à son domicile de Bordeaux.
— Monsieur Faivre ?
— Lui-même.
— C’est Thierry à l’appareil. Je ne vous dérange pas ?
Je lui ai raconté exactement ce que j’avais vu. Il a écouté en silence. Le silence de Faivre, c’est quelque chose, croyez-moi. Il n’a posé qu’une seule question :
— Ce sont les manouches ?
Je n’étais pas sûr à cent pour cent, mais j’ai dit que oui, que c’étaient certainement les manouches.
Alors il m’a répondu qu’il arrivait, que je devais seulement surveiller la villa, au cas où ils ressortiraient. Il ferait vite et me récompenserait pour ça. Il ne fallait pas alerter la police.
J’ai mis deux anoraks l’un sur l’autre et je suis retourné à la villa. Rien n’avait bougé. J’ai attendu assis par terre, près de la route.
Faivre est arrivé moins d’une demi-heure plus tard. Sans doute qu’il n’avait pas respecté toutes les limitations de vitesse. Il a arrêté la voiture très loin pour ne pas faire de bruit et il s’est avancé à pied vers moi :
— Ils sont encore dedans ?
— Je pense que oui...
— Aide-moi, s’il te plaît... Tu es bricoleur ?
Il y avait une sorte de jubilation dans sa voix.
Il me tutoyait, tout à coup. Ça m’a fait peur. On a sorti de son coffre une torche, une perceuse électrique sans fil et une boîte à outils.
— Viens...
On a marché jusqu’au garage.
— Tu saurais fixer la porte au sol pour qu’on ne puisse plus l’ouvrir du tout ?
Je l’ai regardé, incrédule :
— Vous voulez...
— Tu saurais faire ?
J’ai secoué la tête pour dire que oui et je m’y suis mis.
Pendant ce temps, Faivre est entré dans le garage quelques secondes et il en est ressorti avec une poignée de fusibles. J’ai fait un trou dans le béton, au sol, et j’y ai vissé un crochet assez fort. J’en ai fait un autre dans le bas de la porte métallique, j’y ai mis un crochet aussi. J’ai relié les deux avec du fil de fer. C’était du travail de salopard, mais c’était solide. Faivre a essayé de soulever la porte pour vérifier, ça tenait bon. Il m’a fait un clin d’oeil et m’a tendu quatre billets de cinq cents francs :
— Tiens, pour la peine. Tu ne dis rien à personne, hein ? Je reviens dans une semaine et je te donnerai la même chose. D’ici là , ne t’occupe plus de rien. Je te fais la plus absolue confiance, Thierry. Je te dépose ?
J’ai dit que non, que j’habitais tout près.
Il est reparti. J’ai mis les billets dans ma poche et j’ai marché jusque chez moi.
Au milieu de la nuit, je me suis réveillé. L’idée m’est venue que je ne faisais pas grand-chose de bien dans ma vie, mais que c’était normal après tout, que je ne méritais sans doute pas davantage. Et je me suis foutu à chialer.

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